La première fois que nous nous sommes présenté·e·s au groupe, nous avons dû répondre à une question : « Pourquoi êtes-vous venu·e·s au Rwanda ? ». Je ne sais pas si nous avons tou·te·s dit la vérité. Moi, non. Par pudeur, parce qu’il fallait faire vite. Je suis venue au Rwanda parce que j’avais 9 ans en 1994, et qu’à 9 ans, j’ai été marquée sans rien comprendre, parce qu’à l’échelle du monde, je pensais que nous cohabitions. Si ce qui est loin de nous implique une empathie proportionnelle à la distance à laquelle nous nous situons, ne pouvons-nous pas imaginer que faire humanité ensemble, c’est se mettre en mouvement vers l’autre et que mieux vaudrait tard que jamais ? Pour Michael Disanka, comédien, metteur en scène et auteur du Congo faisant partie de notre groupe lors de la rencontre : « L’espace idéal, c’est un endroit où se retrouver, peu importe qu’il soit à l’intérieur ou à l’extérieur, pour cultiver nos humanités ». Cela fait écho, avec la citation d’un survivant, lue dans le mémorial : « Je me rappelle notre maison accueillante à tout le monde. »
C’est aussi cette envie d’accueillir tout le monde qui a concrétisé la venue de 64 professionnel·le·s de la culture, de 64 humanités. Au-delà des quotas de vols qu’il semblerait juste d’imposer selon certain·e·s, nous parlons là d’un souhait situé, exprimé par des rwandais·e·s qui ont participé à constituer il y a un mois, un ministère de la Culture et pour qui la coopération et la co-construction ont un sens particulier. « On avait envie de raconter une autre histoire » me dit la directrice artistique d’Ishyo Arts Centre à Kigali, Carole Karemera. Et quoi de mieux pour raconter une autre histoire que de la partager au plus grand nombre ? N’est-ce pas ce que chaque professionnel·le de la culture se donne pour mission lorsqu’il·elle diffuse des œuvres dans son territoire ?
© Aurore Claverie - Aux humanités de l'eau