Office National de Diffusion Artistique

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Carnet #2 - Capdenac

La rencontre s’intitulait « Habiter les paysages habités » (ce qui nous valut quelques remarques ironiques, mais passons pour le moment) et prenait la forme d’une promenade tantôt à pied, tantôt en bus, le long du GR 65, à la découverte des œuvres d'art refuges du projet « Fenêtres sur le paysage » porté par « Derrière Le Hublot », Scène conventionnée art en territoire sans lieu de représentation. 

 

Oeuvre : Pecten Maximus / Sara de Gouy - © DR

Carnet #2 - Capdenac

Le long du GR 65

Par Marie-Pia Bureau, directrice de l'Onda


Devant les tentes de pierres sèches de « Super-Cayrou », une œuvre refuge imaginée par le collectif d’architectes « Encore heureux » sur le plateau des Causses du Quercy, Fred Sancère, directeur de « Derrière Le Hublot », nous déroula son projet. La question sous-jacente était celle du territoire : tenter de le définir, en nommer les composantes et les problématiques. Plus tard, devant d’autres œuvres, nous écouterons d’autres parties prenantes de la vivacité du projet : des bénévoles impliqué·e·s, des maires de commune, des responsables de parc régionaux, des spécialistes du paysage et des artistes concepteur·rice·s. C’était un mercredi et çà et là des curieux·euses pointaient leur nez dans les œuvres, familles en promenade majoritairement, habitant·e·s montrant à leurs visiteur·e·s occasionnel·le·s la singularité de leur village, marcheur·euse·s à gros sac à dos du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle finalement moins nombreux·euses que les gens du cru. Amusé·e·s, nous les écoutions faire leur propre récit de chacun des refuges ; autant de preuves s’il en était besoin que sur ce territoire, ceux-là s’étaient bien approprié·e les œuvres. Fait peu étonnant si l’on regarde de plus près le processus qui a abouti à la naissance de chacune des œuvres-refuge. « Quand on travaille sur un territoire » nous dît Fred Sancère « jamais la question artistique n’est prédéterminée avant la lecture du paysage, de son imaginaire et de ses savoirs faire ». Il faut parfois quatre années de rencontres, de discussions, repérages, négociations, bricolages, réflexions et aménagements en tous genres, avant que le projet voie le jour. Et ce projet, quand il s’agit d’une commune de 300 habitants, est souvent LE projet d’investissement financier du mandat d’une équipe municipale. Un projet signé par un·e ou des artistes, mais qui met en œuvre chaque fois une coopération entre beaucoup de personnes dont le regard aura modelé la réalisation finale. Ce jour-là, sur le GR 65 à l’ambiance tellement bucolique par un début d’octobre ensoleillé, au fil d’une marche tranquille qui nous permettait d’éprouver la multitude des rencontres dont sont faites un territoire, les vertus de la coopération nous semblaient lumineuses…

© DR

Le lendemain, revenus dans une boîte noire pour échanger sur la notion de territoire, nos discussions prirent un tour plus théorique. Nous en avons retenu quelques items : celui du temps plus long que nécessite le travail de territoire, celui du lâcher prise et de la faculté d’improvisation qui est un préalable à la coopération, ne pas prétendre connaître le résultat avant d’expérimenter, ne pas exercer son vouloir à tout prix, laisser place, voire faire place ; autant de manière d’avancer auxquelles nous ne sommes ni préparé·e·s, ni encouragé·e·s, mais auxquelles toutes et tous les participant·e·s de la réunion s’accordaient à reconnaître le mérite d’aboutir à un résultat plus juste. L’un·e d’entre nous dit aussi : « parfois, on en a marre de ces « co » dont on a plein la bouche, coconstruire, comachin, cotruc, mais quand même, pour sortir des couloirs qui nous enferment, des dispositifs, des concurrences, des intérêts particuliers, on n’a pas trop le choix, non ? ». Coopérer donc, comme une philosophie d’action pour sortir de l’ornière où beaucoup d’opérateur·ice·s du spectacle vivant se sentent embourbé·e·s. Coopérer comme une nécessité de s’enrichir de multiples points de vue pour relier l’apparition d’une œuvre à un contexte, que d’autres en des temps pas si anciens auraient nommé situation.

© DR

Et pour revenir tout de même sur le titre un peu appuyé de la rencontre, oui, cela nous a paru important de ne pas perdre de vue que le territoire ne pré-existe pas, il est toujours fabriqué par les humain·e·s et les non-humain·e·s qui l’habitent. Un préalable qui pour certain·e·s résonne comme une antienne, pour d’autres encore comme un changement de perspective.

LES PODCASTS DE L'ONDA

Podcast en français

Luc Gwiazdzinski  
Sur les chemins de Capdenac

Parcourez les traces le long du GR 65, à la découverte des territoires

Conclusion en forme d’impromptu par Luc Gwiazdzinski, géographe.
Dans cet épisode, nous vous invitons à écouter Luc Gwiazdzinski, géographe, qui était notre grand témoin pour la rencontre « Habiter les paysages habités », sur le GR 65 au départ de Capdenac, les 4 et 5 octobre 2023. 
Cette rencontre a été suivie d’une journée de travail proposée par la Direction Générale de la Création Artistique au ministère de la Culture avec le réseau des Scènes Conventionnées d'Intérêt National, Arts en Territoire. 
La synthèse de ces journées réalisée par Luc Gwiazdzinski, saisie au vol, joyeuse et revigorante, serpente à travers les notions de « territoires », d’adaptations, d’initiatives, d’engagements, ponctuées de références inspirantes.